Qualifié de subversif ?

Dans le département de la Drôme :

Pierre Triboulet, habitant de Mercurol, refusant de faire sa corvée de quatre journées pour tailler et lier les vignes du seigneur Sébastien de Lionne, sera convoqué à Tain devant le juge de Mercurol le 05/05/1763.[1]

La corvée est un travail ou service que le paysan ou le tenant d’un bien doit à son seigneur, de façon habituelle ou exceptionnelle. Cette corvée est due en journées d’homme, d’animaux de trait ou de charroi etc.

Le 30/03/1688 Louis de Lionne : « déclare posséder la haute, moyenne et basse justice de Mercurol ce qui lui confère le droit d’y nommer juge, châtelain, greffier et tous autres officiers ».

Il tient « le four banal de Mercurol, plus le droit de fenage, qui est de trois trousses de foin que chacun prenant et abreuvant ses prés de l’eau de la Bouterne doit payer ; plus le droit de chevrotage, savoir que tous ceux qui tiennent une ou plusieurs chèvres doivent un chevreau vivant ; plus le droit de plusieurs corvées, savoir que chaque habitant doit annuellement quatre journées audit seigneur pour la facture de ses vignes, et ceux qui ont des bêtes de labourage lui doivent une journée de leurs bêtes pour ses charrois ; plus le droit de parquage, qui est que ceux qui tiennent un troupeau dans le mandement doivent annuellement six livres de fromage ».[2]

Le 05/05/1763 Louis Simon, prévôts sergent reçu au greffe de Mercurol, habitant à Tain, rapporte qu’à la requête de messire Pierre Henry d’Urre, seigneur de Mercurol et d’autres places, il se rend au domicile de Pierre Triboulet. Parlant à la femme Triboulet voici ce que dit le sergent « Je lui ai représenté que par acte

Reçu maitre Servant notaire le vingt cinquième juillet mille six cent soixante-six, les consuls et habitants de la communauté de Mercurol, conformément aux anciennes transactions et reconnaissances reconnurent et confessèrent de devoir et vouloir faire à messire Sébastien de Lyonne, seigneur dudit Mercurol et aux siens, le chacun quatre corvées tous les ans ».

Plus loin dans le texte :

« Ledit Triboulet a fait refus de fournir ses corvées pour tailler et lier les vignes du dit seigneur quoi qu’il en est été requis diverses fois verbalement ».

Suite au refus de Pierre, l’huissier lui envoie un commendement de se mettre au travail, soit dans la semaine en cours soit la semaine suivante, dans les vignes dudit seigneur.

Autrement et à défaut Pierre Triboulet sera assigné pour comparution à Tain par devant monsieur le juge de Mercurol ou monsieur le lieutenant. Voici ce à quoi il pourra être soumis [3]:

Je ne sais pas ce qu’a fait par la suite Pierre Triboulet ni ce qu’il est devenu : pas assez d’informations pour savoir lequel porte ce nom à cause des homonymes.

La famille Lionne acquit la terre de Mercurol en 1615, la famille d’Eurre l’acquit par la suite en 1753 et les corvées sont toujours d’actualité.

Il n’y a pas que pour un seigneur que les corvées sont existantes.

« Elles furent créées en 1722 sous Louis XV. Trois jours par an les hommes valides devaient entretenir les chemins et les routes avec voitures et bestiaux ».[4]

« Les paysans demeurant le long des routes royales devaient acheminer les vivres et les matériaux nécessaires à l’armée à l’aide de leurs charrettes, de leurs bœufs et de leurs chevaux ».[1]


[1] Page 96, la grande armée par Jacques Demougin, édition trésor du patrimoine

Les routes du Dauphiné sont dans un tel état de dégradation que les personnes n’arrêtent pas de se plaindre. Le risque d’interruption du commerce est présent à cause de cet état de chose.

L’ordonnance du 10/03/1763 sur la corvée dit : « Nous avons en conséquence donné aux Sous-Ingénieurs des Ponts et Chaussées de nouveaux ordres de se transporter sur les routes à l’effet de constater la quantité nécessaire de journées, tant d’hommes que de voitures, pour les réparations susdites, lesquelles journées seront réparties dans chaque Communauté par les habitants eux-mêmes ».

A Châteauneuf d’Isère il faut fournir onze cent quarante journées de manœuvre et trois cent quatre-vingt journées de voiture pour mettre la partie de route à la charge de ladite communauté.

Christophe Pajot de Marcheval, chevalier, conseiller du Roi en ses conseils, maitre des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de Justice, Police et Finances en Dauphiné :

« Il sera dressé à cet effet par les Officiers de ladite Communauté un rolle de tous les habitants qui doivent y contribuer ; et ce, suivant le nombre d’hommes et de voitures qu’ils peuvent avoir à leur disposition ».[5]

« La grande artère de Lyon à la Provence n’est à la sortie de Tain ‘qu’un chemin étroit, creux et resserré’ note l’intendant du Dauphiné au début du XVIIIe siècle ».[6]

Des actions écologiques sont à relever :

De par le Roy/par lettres patentes du 14 novembre 1724 pour la réformation générale des bois de la province du Dauphiné :

L’article détaille quels arbres sont interdits d’être coupés ; ceux sectionnés par des particuliers ou communautés propriétaires le sont avec la permission de ‘Nous’, sous peine de trois mille livres d’amende et de confiscation en cas de contravention.

Pour aller chez un notaire par exemple à Tain si mes aïeuls empruntent la route Romans/Tain ils peuvent voir des arbres le long de la route en exécution de l’arrêt du conseil du 14/05/1754 ; celui-ci demande que le long des grandes routes des arbres soient plantés.[7]

Pour aller plus loin voir l’article de Michel Baumgarth : https://www.histoire-genealogie.com/Oyez-Oyez-braves-gens-je-vais-vous-conter-l-incroyable-odyssee-des-routes-de-France-au-siecle-des-lumieres


[1] B 1579, AD26

[2] Page 250, tome 6 par Anatole de Gallier, Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, AD26

[3] B 1579, AD26

[4] Page 73, Autrefois Primarette de -121 à 1890 une commune du Viennois par Andrée Collion

http://voyeaud.org/Travaux/Livres/Primarette/Primarette.pdf

[5] DD1, (période 1600/1750), archives municipales de Châteauneuf sur Isère

[6] Page 175, la Drôme, une terre, des hommes édition La Fontaine de Siloé par un collectif d’auteurs

[7] DD1, (période 1600/1750), archives municipales de Châteauneuf sur Isère

Un commentaire sur “Qualifié de subversif ?

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  1. Et donc ces quatre journées venaient à la même époque s’ajouter aux éventuels 30 jours de la Corvée Royale, pour peu qu’une route à rempierrer se trouvait à proximité ! On comprend que le sieur Triboulet ait renaclé !!
    Merci pour vos articles

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