Religion quand tu fais partie de leur vie (4ème partie)

Dans le département de la Drôme, du Rhône et à Rome

« Depuis le ‘J’accuse’ de Zola publié en janvier 1898 dans l’Aurore, la France est coupée en deux entre Dreyfusards et Antidreyfusards (armée, Eglise…). En 1904, et plus encore en 1905, la situation est très tendue, les forces anticléricales comme les forces cléricales sont mobilisées »[1].

Dans le département cinq députés ont voté pour la loi de la séparation des Eglises et de l’Etat : MM. Antoine Gras, Lucien Bertrand, Charles Chabert, Ferrier et Malizard – Extrait de la séance du 03 juillet 1905 de l’Assemblée Nationale. Pour ceux qui ont voté contre le nom de Hyacinthe de Gailhard-Bancel apparaît ; si d’autres ont voté contre leur nom n’est pas cité dans les chronologies parlementaires.

‘La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte’. Cette phrase simple et claire est la plus célèbre de la loi du 09 décembre 1905, portant séparation des Eglises et de l’Etat – citée par Jean-Louis Debré, Président de l’Assemblée Nationale.

Dans beaucoup de villages, les parents doivent choisir entre l’école publique (laïque) et l’école privée (religieuse), et cela provoque des divisions dans les familles et les communautés.

Les anticléricaux parlaient alors parfois de « l’école du curé » (l’école confessionnelle) comme opposée à

« L’école du diable », un terme ironique utilisé pour désigner l’école laïque, perçue par certains catholiques comme corrompue ou impie.

Inversement les partisans de l’école laïque utilisaient aussi cette formule pour dénoncer l’obscurantisme religieux, en affirmant que l’école laïque libérait les esprits face à l’endoctrinement.

« Longtemps encore, et particulièrement en Bretagne, subsiste la « guerre scolaire » entre « l’école du Diable » et « l’école du Bon Dieu ».[2]

NDLR : Les laïques sont les défenseurs de la laïcité. Les laïcs sont des personnes non religieuses qui suppléent à l’absence de prêtres et leur apportent leur concours. Laïc donne laïcat et pas laïcité.[3]

Les trois écoles et l’Eglise dans le village de Clérieux [4] :

Dans le village de Clérieux, avant cette loi, est là une école privée religieuse ‘l’école libre* (maternelle et élémentaire du Sacré-Cœur – cote 97 Fi 1, AD26).

*libre : désigne avant 1881 les établissement gérés par des congrégations catholiques

La nouvelle église de Clérieux est bénite le 26 septembre 1886 : [5]

Ma tante Marthe née le 01 novembre 1910 dans le village de Clérieux ; elle deviendra religieuse comme ses deux tantes maternelles l’ont précédé : sa vocation religieuse date de l’enfance avec le désir d’être missionnaire hors de France (source : notes familiales).

Son prénom est en lien avec les religieuses de Sainte-Marthe qui créent l’école du Sacré-Cœur en 1890.

Où elle y suit un cursus scolaire [6] :

Elle obtient le certificat élémentaire en 1924 à la session du 03 juillet à Saint-Donat sur l’Herbasse [7]:

En 1931 je lis son nom sur l’état de recensement du village où elle exerce le métier de couturière à son compte, tout en vivant chez ses parents [8]:

Le 28 mai 1933 Marthe fait sa communion solennelle * après une retraite prêchée par le curé de Larnage [9]:

* communion solennelle : ou profession de foi est une cérémonie ultérieure, marquant un engagement plus formel et public dans la communauté chrétienne.

Elle quitte sa famille à l’âge de 24 ans (en 1934) ; au 1er avril 1937 elle intègre la société Prolana et des Anciens Etablissements Aulagne et Cie, située à Lyon dans la rue Duguesclin où elle grimpe les échelons pour en devenir chef comptable. Elle y restera jusqu’au 14 août 1945, date à laquelle elle démissionne de son poste pour rejoindre le monde religieux le jour même.

Entre-temps diplômée auxiliaire Croix-Rouge elle pratique durant quatre ans durant la guerre, dont ces photographies familiales, ci-dessous, à Gerland en 1940 ? confirment son diplôme et en 1949 sur l’acte de succession de grand-père[10] :

Assistante de dispensaire :

Marthe fait son premier engagement en décembre 1946 dans la congrégation de l’Immaculée Conception.

La maison mère, située à Ecully dans le département du Rhône, voit ma tante exercer le métier d’infirmière (source : document son « CV » rédigé par la congrégation en 2019 suite à ma demande).

« Les Apostoliques de Marie Immaculée aiment tout particulièrement se tenir aux côtés de Marie debout au pied de la croix recueillant le « J’ai soif  » de son fils, pour se laisser enseigner par elle. Voilà l’intuition spirituelle qu’elles ont reçu de leur fondatrice, Marie Louise Bayle, née en 1897 à la Frette (Isère) et décédée en janvier 1985. Enfant, Marie Louise veut faire quelque chose pour aider Jésus à sauver les âmes, aider Jésus dans ses prêtres… Elle comprend que sa mission est de prier et s’offrir pour les prêtres. C’est lors d’une rencontre providentielle avec la spiritualité d’Eugène de Mazenod (fondateur des OMI) que Marie Louise Bayle va pouvoir exprimer son intuition fondatrice : En réponse à l’appel de Dieu, se donner sans réserve à Jésus dans une Oblation totale pour continuer son action rédemptrice dans le monde, à l’exemple de Marie Immaculée et en union avec elle (Const. Art.1) et s’offrir pour les prêtres, les missionnaires, spécialement les OMI. »[11] Le 08 décembre c’est la fête de l’Immaculée Conception.

*OMI : Missionnaires Oblats de Marie Immaculée

En avril 1965 Marthe part pour Rome, à la maison générale des OMI où elle exercera son activité à l’économat général.

Marie-Louise Bayle, la Fondatrice, la rejoindra à Rome en avril 1967. Elles vivront toutes les deux dans une grande intimité pendant 18 ans.

Suite à la demande de ma tante, nous retrouverons celle-ci au ‘Pérollier’ en septembre 1990 à 79 ans.

La maison mère au ‘Pérollier’ se situe au numéro 8 rue du Collovrier à Ecully à côté de la rue Pérollier : Institut Apostolique de Marie Immaculée (photographie extraite de Google Map) :

Marthe pendant l’année 2004 au Pérollier :

Elle décède au Pérollier le 24 janvier 2008. Elle a donc été 18 ans dans ce lieu. Elle a rendu de menus services tant qu’elle a pu. La mère supérieure ne se souvient pas qu’elle ait eu des périodes d’hospitalisation : « Pendant les dernières années de sa vie, elle était plus ou moins grabataire et dépendante. Elle n’était pas la seule et nous avions du personnel extérieur pour s’occuper de nos sœurs les plus dépendantes ».

Plaque de la tombe où elle est enterrée au cimetière d’Ecully :

Enfant Marthe a dû entendre parler de la Congrégation de L’Immaculé Conception de la très Ste Vierge établie dans son village (voir mon premier article ‘Quand religion tu fais partie de leur vie’ publié dans le même mois) « où les curés, certains d’entre eux, s’efforcent de contrer l’esprit et le mouvement du siècle* en créant des confréries, des conférences, des associations de charité… » « Désormais, les fidèles n’obéissent plus aux mots d’ordre donnés par leur curé, et

*beaucoup d’entre-eux considèrent que la République laïque n’est pas un danger pour leur foi » ainsi nous en fait part Michel Vernus dans son article.[12]

Voici le 18 avril 1927 ce qu’exprime l’abbé Henri Joud de Clérieux lors de la visite pastorale de l’Evêque[13] :

« La paroisse de Clérieux est mi-ouvrière, mi-agricole. Les ouvriers semblent prendre le dessus par le nombre depuis surtout l’apport étranger. Les ouvriers sont presque en totalité indifférents et quelques-uns seulement hostiles. Les agriculteurs en très grande majorité pratiquent et soutiennent les œuvres. Cette dualité nuit beaucoup au recrutement des œuvres paroissiales, le paysan étant difficile à sortir de ses habitudes anciennes et n’ayant que très peu d’initiative ».

Marthe, et la lignée de sa mère, les Guillermet ont pris le contre-pied de cet esprit en embrassant la vie religieuse.

Le pape accordant la bénédiction apostolique à Marthe (document familial) :


[1] Page 33, la ligues des droits de l’homme et la séparation des Eglises et de l’Etat, revue drômoise n°21, 03/2005

[2] https://www.ecomuseelizio.com/collections/lecole/?utm

[3] Page 26, le diocèse de Valence, Etudes drômoises numéro 21, 03/2005 

[4] 25 Fi 9 (début XXe siècle), AD26

[5] 16 J 77, AD26

[6] 97 Fi 1, AD26

[7] Extrait du journal ‘La Croix de la Drôme’, article année scolaire 1923/1924, résultats des examens des écoles libres

[8] Vue 2, année 1931, 6 M 251, AD26

[9] 16 J 77/4, AD26

[10] 4 Q 24/4788 du 23/12/1949

[11] https://annuaire.viereligieuse.fr/fiche/institut/22400

[12] Page 28, numéro spécial la religion du XVIème au XIXème siècle, revue française de généalogie

[13] 16 J 77/1, AD26

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