Entre deux points : Châteauneuf sur Isère, un bail au nom d’Antoine marié à Marguerite

Dans le département de la Drôme :

Générations représentées sous forme de tableau :

Certaines communautés, comme le Touvet ou celles du mandement de La Buissière peuvent débiter du bois. Cela conduit Antoine dans le département de la Drôme pour y travailler et rejoindre des membres supposés de sa famille (voir mon écrit sur son contrat de mariage à Alixan).[1

Ne trouvant plus trace de mon ancêtre Antoine à Alixan mes recherches se portent vers d’autres villages.

A Châteauneuf sur Isère je relève au début d’un acte notarié (retranscrit par mon cousin Michel Giroud) : [2]

« Transaction

Notaire Charbonnel le 04 juillet 1603.

Noble Charles de Gelas habitant de la ville de Valence, ayant appensionné à Antoine Girod, fils d’André, une maison et claudier joint ensemble situé au mandement de Châteauneuf, lieu-dit appelé Charbonnel, contenant environ 3 eminées plus une vigne et terre situés au dit mandement, terroir de Chenevon, un contenu d’environ 3 eminées plus une terre de la contenance d’environ 3 eminées au dit terroir de Charbonnel et finalement les non droits et actions que le dit de Gelas pouvoir avoir sur une étable ou grange situées au dit lieu le tout désigné et confiné par les dits actes sous la pension annuelle de 21 livres payables chaque jour et fête à la St Baptiste qui étant celui Girod ».

Nous sommes encore sous le règne de Louis XIII, au pouvoir de 1610 à 1643 et sous la régence d’Anne d’Autriche jusqu’en septembre 1651.

A Châteauneuf sur Isère le suzerain est l’évêque de Valence.

https://remonterletemps.ign.fr/comparer

Distance entre les deux points : environ 5 kms :

21 G 51, carte et explications créés par un curé période possible entre 1653 et 1770, AD26 :

Mathieu, fils d’Antoine et de Marguerite, se marie avec Alix Vinay (date de l’union non identifiée)

cependant il existe une quittance datée du 24/06/1633 où Alix reçoit une robe nuptiale léguée par feu sa mère Berthomienne de Despit.[1]


[1] 2 E 18839 folio 55, AD26

« Rappelons qu’en 1603, l’abbaye de la jeunesse * exerçait à Châteauneuf la police des mariages et qu’alors Charbonnel, notaire et greffier, la dirigeait »[3].

* Sorte de comité des fêtes profanes [4]

Le couple s’installe dans l’habitation des parents paternels : Mathieu poursuit le bail de son père à Charbonnel le 09/02/1623 * et ses enfants y naissent : Catherine en 1634, Antoine en 1636, Jeanne en 1640, Elisabeth en 1644 et Pierre en novembre 1651, où « Les habitants de Châteauneuf se plaignent de ce que, en moins de 40 ans, l’Isère a ravagé et rendu absolument incultes plus de 500 sétérées des meilleures terres, ‘chaque sétérée étant de 3500 pas’ ». [5] L’Isère à Grenoble le 11-23 novembre 1651 : 2500m3/s.[6]

*noté sur l’acte 2 E 2456 folio 35.

Mathieu et mes autres aïeuls ne sont pas touchés par la peste de 1629 : Pour se préserver du mal on se badigeonne le corps de vinaigre dans lequel ont macéré diverses plantes aromatiques et de l’ail.

Des années plus tard : défense aux moissonneurs d’aller travailler à Monteux et aux Granges le 16/06/1650. Délibérations consulaires touchant la défense aux hôteliers de loger des étrangers et au pontonnier d’en passer, à cause du mal contagieux le 26/06/1650 (E 8419 période 1640-1664, AD 26).

Cette situation expliquerait peut-être la date des décès de Jeanne et Elisabeth, filles de Mathieu.

Le 25/01/1632 Agnès De la Croix de Châteauneuf d’Isère loue à Mathieu Girod du mandement de Châteauneuf de la terre située au terroir de Corneries * d’une contenance d’une éminée pour le terme d’une année qui finira à la fête de Saint Jean Baptiste de l’année 1633.

* Corneries : f. et quart. Commune de Châteauneuf d’Isère ; Corneria, 1430 (terre de l’évêque de Valence) – Corneria (état-major) – page 111, dictionnaire topographique de la Drôme.[7]

Pendant ce temps-là, en 1634, le châtelain * a recours au magistrat épiscopal pour empêcher toute assemblée délibérante hors de sa présence.[8]

*NDLR : le châtelain représente le seigneur dans chacune des communautés. Ils ne sont pas nécessairement nobles (Page 9, organisation féodale, association d’étude drômoise, année 1970).

« Depuis le XIIe siècle la justice de Valence appartenait sans conteste à l’évêque, comme la justice du Valentinois et du Diois appartenait aux comtes/ D’après l’auteur de l’Inventaire des archives de l’évêché de Valence, Molinier de La Fabrègue, les évêques de cette ville, comme possesseurs de fiefs, avaient la triple juridiction, haute, moyenne et basse. Mais il est difficile de préciser l’époque à laquelle ces prélats commencèrent à la faire exercer ».[9]

Châteauneuf d’Isère fait partie du périmètre judiciaire de Valence, confirmé dans l’écrit page 169, tome 67, Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, AD26.

Le 05/08/1643 Jean Chappuis de Châteauneuf d’Isère vend et cède à Mathieu Girod, laboureur de Châteauneuf d’Isère, une pièce de terre située audit mandement, au terroir de Chanaran, contenant 2 sesterées, au levant terre dudit Girod, couchant terre et bois chastagnerés de Jacques Charbonnel, bise terre de Jean Troullier vi châtelain, du vent partie des hoirs de Benoit Vinay et partie terres des héritiers de feu le Seigneur de Granet pour 90 livres.[10]

Bail en commande de brebis le 28/11/1645 :

« Mathieu Girod laboureur * du mandement de Châteauneuf d’Isère confesse avoir en son pouvoir et tenu en titre de commande de Messire Guillaume Charency prêtre de Châteauneuf d’Isère, ci-présent, acceptant la quantité de dix brebis pour chacune des dites brebis le dit Girod sera tenu de payer au dit sieur Charency, une livre et demie laine chaque année et à chaque fête de Saint Jean Baptiste ».[11]

Complément d’information :

Le mouton peut fournir 1.5 à 6.5 kg de laine brute contenant 30 à 75 % de laine, le reste étant constitué principalement de suint. Il reste 1/3 de la tonte en laine après le lavage de celle-ci.

« Le laboureur pouvait être propriétaire de terres et aussi travailler pour autrui. Mais surtout il possédait ses propres animaux de trait : bœufs, vaches, chevaux, mulets et ses outils de travail : charrues, charrettes. Il bénéficiait d’un niveau social mieux considéré, encore accru s’il était propriétaire-cultivateur ».[12]

En 1653 Mathieu habite toujours Châteauneuf d’Isère (EE10, archives communales, Châteauneuf sur Isère).

L’histoire du village :

En 1653 (vue 77, actes paroissiaux, AD26) son nom est Chasteauneuf d’Izaire ; en 1792 Châteauneuf d’Isère ;

« Les maisons nouvelles, en remplaçant les grottes ou baumes des premiers habitants, firent donner à l’ensemble le nom de castrum novum Isare ou Châteauneuf d’Isère à cause des remparts et fortifications de l’enceinte et de la rivière qui coule ses eaux noirâtres à leurs pieds. / Odilon, premier seigneur connu de Châteauneuf, appartenait à l’une de ces familles de nouveaux suzerains, et c’est à lui sans doute qu’il faut attribuer la plupart des travaux défensifs détruits en 1585, et dont il ne reste plus que des ruines, parmi lesquelles on remarque des fragments de cheminée et d’une porte de ville. Quant aux restes de remparts reproduits en héliogravure dans le beau travail de Mgr Bellet, intitulé Vita St Hugonis, ils sont évidemment romains ou gallo-romains, et permettent de supposer un autre château antérieur ; ce qui justifierait l’appellation de Château neuf donnée à celui d’Odilon ».[13]

 Et avant la période Renaissance :

« Après l’éviction des Châteauneuf par les évêques de Valence, la possession de la terre amena quelques familles nobles. Ces seigneuries foncières furent celles de l’abbaye de Vernaison, des Burlet (famille d’Arces dont le membre le plus célèbre fut le capitaine Burlet, gouverneur de la Tour de Crest). Ces derniers sont venus bien après la famille de Blanchelaine déjà présente à Châteauneuf au XIIIe siècle ».[14]

En 1585 : « Maugiron ordonna à de Vocance de démolir promptement la tour et fort de Châteauneuf rez pied rez terre, en sorte qu’il n’en demeurât aucun vestige. Ainsi tombèrent les fortifications du bourg et le château des Châteauneuf, et à cette heure il n’y reste plus que des fragments d’une cheminée antique, d’une porte et de remparts romains, avec une citerne ovoïde fort curieuse ».[15]

Pour aller plus loin dans l’étude cette période : Antoine de Vocance par E. Lascombes née Comte, page 57, tome 18, Société d’archéologie et de statistique de la Drôme.

« Il faut une heure et demi pour aller du village aux limites de la paroisse dans toute la partie du levant qui a deux grandes lieues de longueur, le long de l’ancienne route de Valence à Romans. Le village sur le bois de l’Isère et de la paroisse du côté de la bise n’est qu’à une lieue de ses limites du couchant.

L’église paroissiale et le village se trouvent situés sur le bord de l’Isère qui est la limite de la paroisse du côté de la bise. Son terrain jusqu’à une demi lieue au midi et au levant du village est fort mauvais sableux très montagneux par des rochers de pierre molasse où la chute des eaux creuse des ravins de plus de cinquante toises de profondeur, coupe les chemins forme des cascades et des précipices affreux. Il se détache même souvent des grosses pièces de cette pierre molasse qui ont écrasé plusieurs maisons du village et ébranlée l’église. Toute la partie près du village étant si mauvaise et si peu productible est peu habitée. Les chemins y sont toujours fort mauvais, montueux et ravinés qui rendent les approches du village très difficiles ».[16]

Aussi, le 19/06/1631 la surveillance du chemin de Châteauneuf à Romans, pour deux hommes, à raison de 13 livres par mois (E 8417, période 1624-1632, AD 26).

Un des curés Lombard exerce de l’année 1679 à l’année 1729 : « il écrit comme un cochon et ne sait pas tailler une plume/ les lignes sont extrêmement serrées et les actes de plus en plus succincts. L’étude Rochas père et fils, notaires de 1680 à 1750, ont péri par une main destructrice ». [17]

Mon aïeul Antoine (fils de Mathieu) échappe à l’exercice du curé mais peut être point à celui du notaire qui m’aurait permis de compléter la connaissance du patrimoine familial.

Antoine parti travailler avec son père à Mercurol de 1668 à 1672 [1], puis avec son épouse de l’année 1673 à celle de 1679, revient à Châteauneuf sur Isère pratiquer le métier de granger ou grangier* chez le sieur Chaléat. Au cours de l’année 1688, il poursuit le bail de son grand-père, de son père au quartier Charbonnel. [2] Son vécu fera l’objet de mon écrit suivant.


[1] 2 E 15021 folio 113, vue 437, AD26

[2] 2 E 2456 folio 35 du 18/11/1688

*information fournie par mon cousin Michel durant l’année 2012.

Le grangeage : « Il s’agit pour le paysan dépourvu de capital, voire d’outillage, de s’installer pour plusieurs années sur le domaine d’un propriétaire qui lui consent des avances nécessaires en semences, en argent et en denrées alimentaires, avances à valoir sur la prochaine récolte »[19].

Avance qui lui permet d’acheter le sel marin, le seul moyen de conserver les aliments, et élément nutritif indispensable pour le bétail.

Pour cela le paysan doit s’acquitter d’un impôt : la gabelle, dont son montant varie selon les régions.

Le Dauphiné fait partie des pays de ‘petite gabelle’ à environ 30 livres le minot.[20]

*NDLR : 1 minot égal 3 boisseaux ; Un boisseau français = 13 litres environ soit 13 litres x 3 = 39 litres ou 40 litres environ (source : page 13 « le 1er janvier 1789 » par Arthur Conte).

Lorsque Antoine et Catherine reviennent dans leur village natal ont-ils trouvé les chemins suffisamment entretenus à leur époque ? :

« La royauté, au XVe siècle, se borne à rappeler aux péagers leur devoir d’entretien des voies (avec menace de confiscation du produit des droits en cas de négligence), chargeant ses officiers (prévôts, baillis, sénéchaux), là où il n’y a pas de péager, de pourvoir à la remise en état des rivières, chemins et chaussées au moyen d’une imposition locale ».[21]

Le couple habite une maison dauphinoise-rhodanienne – affirmation appuyée sur une carte située dans la soutenance de mémoire de H. Raulin – où la maison dauphinoise est en pisé,

« Comme dans l’ensemble du Dauphiné du nord-est, l’habitat y est dispersé, voire, comme a pu le dire un géographe, parfois ‘émietté’. Des maisons à logis-grange-étable se mêlent insensiblement à des unités d’exploitation à logis individualisé ou indépendant, et les unes et les autres sont fréquemment organisées autour d’une cour. Nous retrouvons donc la dichotomie habituelle dans les régions de battage à l’intérieur. Mais ces traits généraux n’empêchent pas l’apparition de quelques caractéristiques particulières, dont l’une, parmi les maisons à logis-grange-étable, était la disposition du logis au centre, entre la grange et l’étable ».[22]

Les jours où mes aïeuls se reposent la famille peut se rendre au village, où la musique, présente depuis l’année 1665, anime les fêtes populaires grâce aux violoneux non-voyants et voyants.[23]

La prochaine étape d’écriture : le récit des enfants d’Antoine et de Catherine Vinay, nés et établis dans la paroisse de Mercurol.


[1] Page 43 et page 44 Les forêts du Haut-Dauphiné à la fin du XVIIe siècle et de nos jours ; Recueil des travaux de l’institut de géographie alpine. 1917, Tome 5 N°1. pp. 1-113.

[2] 2 E 2456 folio 35 du 18/11/1688, chez maitre Guercin notaire à Valence, AD26

[3] Page 255, Châteauneuf d’Isère par A. Lacroix, tome 27, Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, AD26

[4] Page 38, confréries et associations anciennes de Châteauneuf, Taille et détails numéro 20, année 2017

[5] Page 84, Volume 43 de 1909, l’Isère à Beaumont-Monteux par le curé Emile Froment, Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, AD26

[6] Page 53, revue 36 par Vivian Huguette, BH 454/36, AD26

[7] 2 E 2303 folio 91 du 25/01/1632, AD26

[8] Page 259, Châteauneuf d’Isère par A. Lacroix, tome 27, Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, AD26

[9] Page 331, ancienne organisation judiciaire de Valence, tome 9, Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, AD26

[10] 2 E 2299 folio 418 chez notaire Feyssier Alexandre, AD26

[11] 2 E 2300 folio 279 (2 MI 1665/R1), AD26

[12] Racines Drômoises numéro 131 de 2020

[13] Page 118, 122, Châteauneuf d’Isère par A. Lacroix, tome 27 Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, AD26

[14] Page 12, Les grandes lignes de l’histoire de Châteauneuf sur Isère, BP 693 1 numéro 2

[15] page 266, Châteauneuf d’Isère par A. Lacroix, tome 27, Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, AD26 

[16] 21 G 51, carte et explications créés par un curé période possible entre 1653 et 1770, AD26

[17] Page 20, les paroissiaux de Châteauneuf d’Isère par Josette Cador, revue racines drômoises, numéro 112 de l’année 2015 EGDA

[18] 2 E 2456 folio 35 du 18/11/1688

[19] Histoire de Lyon du XVIe siècle à nos jours par Françoise Bayard et Pierre Cayez – édition Horvath

[20] Page 86, les galériens par André Zysberg

[21] Page 998, dictionnaire de l’Ancien Régime par Lucien Bély

[22] Page 514, maisons paysannes en France, par Jean René Trochet 

[23] Page 45 à page 50, les violoneux à Châteauneuf aux XVIII et XVIII siècle, de Françoise Nury, numéro 3, tailles et détails

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